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maurice leblanc

Arsène Lupin... et le théâtre Robert-Houdin ?

Publié le par Jean-Luc Muller

Personne n'aura échappé au succès (international) de la série Netflix Lupin, dans l'ombre d'Arsène, qui met en scène un personnage interprété par Omar Sy, décidé à venger la mémoire de son père en se servant de ses lectures d'enfance, à savoir les aventures d'Arsène Lupin créée par Maurice Leblanc.
Et depuis quelques semaines, c'est la ruée : les romans de Leblanc se partagent désormais dans les cours de récré ! Incroyable... (Et puis ne boudons pas notre plaisir : ça augmentera sérieusement le lexique dans le vocabulaire de ces gamins !)

On a souvent trouvé qu'Arsène Lupin empruntait beaucoup à l'imagerie de l'illusionnisme, par son allure et aussi son goût pour les tours de passe-passe.
Son créateur, Maurice Leblanc, était un homme de lettres très en vue de la Belle Époque, mais dont le succès ne vint qu'avec la publication sous forme de nouvelles des premiers exploits d'Arsène Lupin : il s'agissait d'ailleurs d'une commande du directeur du célèbre hebdomadaire Je sais tout. Il est amusant de savoir que cette publication - un peu l'équivalent 1900 de la célèbre Sélection du Reader's Digest aujourd'hui - proposait également à l'occasion des... tours de magie expliqués ! (Expériences de sciences amusantes, bien illustrées).

L'une de ces nouvelles, intitulée L'évasion d'Arsène Lupin, permet lors de son procès d'en savoir plus sur le personnage. Et l'on y fait cette découverte : lorsque le président du tribunal énumère les diverses identités derrière lesquelles se dissimule le célèbre cambrioleur, il évoque notamment celle d'un dénommé Rostat, qui travailla aux côtés d'un prestidigitateur nommé Dickson !
La nouvelle ayant été publiée en 1905 et évoquant un magicien fréquenté 8 ans auparavant, cela correspond précisément au moment où le prestidigitateur Dicksonn (Paul-Alfred de Saint-Genois) officiait encore en tant que directeur et magicien du théâtre Robert-Houdin (juste avant que Georges Méliès en prenne à son tour la direction) !
Voici l'extrait :

On pardonnera aisément à Maurice Leblanc l'oubli du second "n" final au nom de scène de l'illusionniste en question. (Les exploits d'Harry Dickson détective ne seront publié que 25 ans plus tard, par conséquent "notre" Dicksonn est la seule référence possible !)
Ce même Dicksonn connaîtra d'ailleurs une carrière bien au-delà du Théâtre Robert-Houdin, puisqu’il officiera sous son propre nom, publiera des ouvrages d'escamotage, etc.

Il est plus que probable que Maurice Leblanc eut l'occasion de se rendre dans sa jeunesse au Théâtre Robert-Houdin, sur les boulevards, qui était un peu le "must" quand on s'intéressait un tant soit peu à l'illusionnisme. Aura-t-il assisté à une séance de Dicksonn ? Peut-être...
C'est en tous cas parfaitement cohérent en termes de chronologie (Leblanc est né en 1874, et Dicksonn opéra au Théâtre Robert-Houdin de 1883 à 1887).
Or, Arsène Lupin en aurait été un assistant en 1886 ou 1887, si l'on suit le réquisitoire du Président du tribunal !
Dernier détail amusant : lors de la parution du recueil de ces premières nouvelles, en 1907, sous le titre Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur, l'ouvrage était préfacé par Jules Claretie.
Ce dernier n'est pas un inconnu des biographes de Robert-Houdin : homme de lettres, dramaturge et célèbre chroniqueur, il fut en effet l'un des amis du magicien et l'encouragea à se présenter à la Société des Gens de Lettres ! C'est à lui qu'on doit la formule "Robert-Houdin est l'Alexandre Dumas du tour d'adresse"...

À noter, et on réalise que nulle place ici n'est laissée au hasard..., la belle exposition "Dicksonn, un magicien à la Belle Époque", présentée dans l'espace boutique de la Maison de la Magie Robert-Houdin, qu'on pourra revoir à la réouverture du musée en avril prochain !
 

La tombe de Maurice Leblanc se trouve au
Cimetière du Montparnasse (photo J-Luc Muller) :

 

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